« l’enfant en bas âge s’aventure
dans la parole comme on se risque en pays étranger : captant quelques
intonations, apprenant vite les rudiments nécessaires à la satisfaction de ses
besoins vitaux. la langue dite natale n’est qu’une langue étrangère que l’on
aurait, avec le temps, parfaitement assimilée. la seule langue vraiment natale
est celle dont nous connaissons d’emblée les moindres finesses : ses mots,
ce sont les visages. ses phrases, ce sont celles d’un amour où plus rien de
nous n’est laissé à l’étranger.
ce qui est dit n’est
jamais entendu tel que c’est dit : une fois que l’on s’est persuadé de cela,
on peut aller en paix dans la parole, sans plus aucun souci d’être bien ou mal
entendu, sans plus d’autre souci que de tenir sa parole au plus près de sa vie.
» (p.36-37)
Christian
Bobin, L’éloignement du monde, Paris, Lettres
Vives, 1993.
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