8.5.19

les mots le silence

les enseignements des séminaires de A. palissent dans ma mémoire.

ce qui reste, peut-être : cette attention à l’Autre et aux effets de la parole

sur le désir
l’amour
la construction du sujet

parfois, trouver les bons mots est moins intuitif qu’avant. je cherche, observe le vide, me résigne.

mais se taire, alors que l’autre attend les mots qui apaisent, consolent
– ceux que je trouvais, il me semble, avant –,
se taire est une défaite.

peut-être que c’est un peu ça, aussi, vieillir.

16.2.17

apprendre la parole

j’ai perdu de vue l’enfance,
je m’en rends compte en relisant rouge à la mémoire.

j’avais cette intuition
qui m’a poussée à reprendre mon ordinateur,
à relire,
à écrire,
ici.



je panique en regardant l’enfant,
le mien.

tout se joue en ce moment,
tout a lieu maintenant
qui s’inscrit en lui.

mes mots l’entament.

il apprend la parole
(sa langue maternelle)
dès maintenant

du quotidien III

bébé demande
je réponds


c’est le stage après les séminaires
comme

sauf que
le cerveau est pas drette ça

*

un jour je parlerai de cette chose magnifique
qu’est donner le sein

(peut-être pas aussi)

lenteur

la lenteur de la dominicanie,

j’aurais aimé savoir l’apprécier davantage, ne pas laisser la culpabilité lui faire de l’ombre,

mais

ce n’est pas l’heure des regrets.

un autre projet

relire rouge à la mémoire me redonne confiance.

(aller à l’université,
je peux.

(ben oui encore le sentiment d’imposture.))

*

c’est un autre projet qui s’amorce, qui suit les traces laissées tout au long du mémoire (inachevé).

vieillir, aussi. espérer toucher le sens ; ne plus se contenter de le regarder passer, juste.


tout est tellement à faire.

15.2.17

mes maisons perdues II

staveley, encore

les maisons perdues vont et viennent dans mes rêves depuis des années.

chaque fois, un espoir retrouvé. quelque chose de brisé, aussi.

la maison brûlée de ma mère, je me demande quand (si) je commencerai à aller la visiter, la nuit.

l'enfant réel

accordé à l’enfant, le temps n’est ni perdu, ni volé.

c’était quelque chose comme ça que ma tante avait écrit dans le calepin-nuage qui m’a été offert le jour de la célébration.

ni perdu,

ni volé.


le temps nouveau, ralenti. le temps qu’on dirait à côté, mais que j’éprouve comme plus vrai et plus vivant que n’importe quel quotidien. ancré là, dans une sorte de surprésent.

24.3.15

du quotidien II

le mémoire est une bête sauvage
(la)

du quotidien

le plancher de mon bureau est croche. je me lève et ma chaise roule derrière moi, traverse la pièce et heurte la bibliothèque.

piano

on ferait venir le piano de mamie et ce serait la vie.

du dedans pris

le mois dernier, toutes les nuits, c’était le retour en Dominicanie.

comme cette fois où on marchait dans la flamboyante zone coloniale, en route vers notre appartement. où je m’arrêtais un instant coin El Conde et Hostos, me tournais vers S. et disais : c’est vrai, là, dis-moi que je suis pas encore en train de rêver. dis-moi qu’on est là pour vrai.

la méfiance face au désir qui tend à s’accomplir en état de rêve.

d'autant plus frustrant qu'après le oui et le presque soulagement, la presque tentation d'y croire, je me réveille ici,

ici,

et l'hiver est interminable.

25.2.15

mes maisons perdues


je rêve souvent à mes maisons perdues. je me tiens dedans – une surtout, la première ; je l’habite clandestinement.

parfois j’entends le son d’une portière de voiture qu’on ferme, et je cherche dans l’urgence une manière de sortir de la maison sans me faire prendre par ses nouveaux occupants.

toujours la menace de leur retour imminent.

le rêve commence et je suis là, et je sais qu’il me faudra tôt ou tard quitter cet endroit, que je ne suis pas en droit d’y être. mais je reste. je profite de ce que la maison soit vide, désertée, pour l’habiter, pour l’investir de ma mémoire : pour y faire vivre le souvenir de ma mère et de mes frères, pour nous rappeler, tous, dans le réel.

la nuit, j’assure la pérennité de l’histoire de ma famille. la nuit, je me souviens.


(image : page couverture d'On ne rentre jamais à la maison, de Stéfani Meunier.)

17.11.14

Lidia

on perd facilement l’habitude d’écrire. j’aurais aimé dire ces jours-là. la robe mauve à emporter dans la terre. le corps endormi dans un cocon rose. l’église grandiose et belle. la cérémonie méritée. le son lent des cloches. en l’honneur de cette grande dame de ma chair, de ma langue, de mon pays.

la tristesse immense éprouvée là, puis subitement, en des moments inopportuns du quotidien d’après. une peine vieille comme le monde, vieille comme la vie, portant en elle le mystère de sa filiation.


*

ce soir-là où, blottis dans la chaleur des plumes, je prononce à mi-voix ma peine. le silence qui règne alors, tandis qu’il récolte une à une les larmes dans le creux de son cou. quelques secondes avant d’entendre, d’abord discrètement, puis de plus en plus distinctement, le son d’un grelot qu’on agite.

le chat apparaissait avec le grelot dans sa gueule ; il était monté sur une tablette haut perchée du bureau, était allé le recueillir sur la photo de Cloé, pour ensuite venir nous trouver.

aux funérailles de l’enfant, on avait remis à chacun un grelot, disant qu’il nous suffirait de l’agiter pour entendre Cloé rire.

je m’explique encore mal pourquoi le chat a choisi ce moment pour agir de la sorte. lui qui n’avait jamais fait ça, ne l’a plus jamais refait non plus. mais j’aime à penser que c’est elle, Cloé, qui est venue nous transmettre un peu de sa force, de sa lumière et de sa joie.

5.10.14

le jour de la marmotte

j’ai beaucoup de questions, d’interrogations ; et, il me semble, très peu de mots pour le dire.

3.10.14

« l’hystérique s’éprouve dans les hommages faits à l’autre femme,
et offre la femme en qui elle adore son propre mystère
à l’homme dont elle prend le rôle. »

- J. L.