10.8.14

« l’enfant en bas âge s’aventure dans la parole comme on se risque en pays étranger : captant quelques intonations, apprenant vite les rudiments nécessaires à la satisfaction de ses besoins vitaux. la langue dite natale n’est qu’une langue étrangère que l’on aurait, avec le temps, parfaitement assimilée. la seule langue vraiment natale est celle dont nous connaissons d’emblée les moindres finesses : ses mots, ce sont les visages. ses phrases, ce sont celles d’un amour où plus rien de nous n’est laissé à l’étranger.

ce qui est dit n’est jamais entendu tel que c’est dit : une fois que l’on s’est persuadé de cela, on peut aller en paix dans la parole, sans plus aucun souci d’être bien ou mal entendu, sans plus d’autre souci que de tenir sa parole au plus près de sa vie. » (p.36-37)

Christian Bobin, L’éloignement du monde, Paris, Lettres Vives, 1993.

à la bibliothèque

à la bibliothèque, je parcours lentement les rayons des romans québécois. j’en extrais quelques histoires oubliées, que je dépose bien à la vue des gens en quête d’idées de lecture. je les fais prendre place entre les Follet et les James de ce monde, dans l’étagère que mes collègues et moi remplissons de nos coups de cœur.

leur couverture défraichie ornée d’un titre seul n’attire peut-être pas autant l’œil qu’une cravate sur un fond bleu, mais il m’arrive oui de voir partir ces livres de la bibliothèque, entre les mains de lecteurs nouveaux.

c’est, pour moi, une petite victoire - une grande félicité.

juin

l’impression que j’ai du retour, c’est l’inquiétante étrangeté.