24.3.15

du quotidien II

le mémoire est une bête sauvage
(la)

du quotidien

le plancher de mon bureau est croche. je me lève et ma chaise roule derrière moi, traverse la pièce et heurte la bibliothèque.

piano

on ferait venir le piano de mamie et ce serait la vie.

du dedans pris

le mois dernier, toutes les nuits, c’était le retour en Dominicanie.

comme cette fois où on marchait dans la flamboyante zone coloniale, en route vers notre appartement. où je m’arrêtais un instant coin El Conde et Hostos, me tournais vers S. et disais : c’est vrai, là, dis-moi que je suis pas encore en train de rêver. dis-moi qu’on est là pour vrai.

la méfiance face au désir qui tend à s’accomplir en état de rêve.

d'autant plus frustrant qu'après le oui et le presque soulagement, la presque tentation d'y croire, je me réveille ici,

ici,

et l'hiver est interminable.

25.2.15

mes maisons perdues


je rêve souvent à mes maisons perdues. je me tiens dedans – une surtout, la première ; je l’habite clandestinement.

parfois j’entends le son d’une portière de voiture qu’on ferme, et je cherche dans l’urgence une manière de sortir de la maison sans me faire prendre par ses nouveaux occupants.

toujours la menace de leur retour imminent.

le rêve commence et je suis là, et je sais qu’il me faudra tôt ou tard quitter cet endroit, que je ne suis pas en droit d’y être. mais je reste. je profite de ce que la maison soit vide, désertée, pour l’habiter, pour l’investir de ma mémoire : pour y faire vivre le souvenir de ma mère et de mes frères, pour nous rappeler, tous, dans le réel.

la nuit, j’assure la pérennité de l’histoire de ma famille. la nuit, je me souviens.


(image : page couverture d'On ne rentre jamais à la maison, de Stéfani Meunier.)